Janvier-février 2012


  
Avant de nous laisser voler de nos propres ailes en Arabie, le dernier douanier que nous croisons dans sa cahute nous accueille à grands coups de « Welcome in Saudi ! » et de larges sourires, même lorsqu’il nous annonce qu’il nous faudra traverser le pays en trois jours et pas en cinq comme c’est écrit sur nos visas, car ce nombre de jours n’est pas accepté par son ordinateur… Cela tombe bien, nous ne comptions pas nous attarder… M’enfin, il ne faut pas qu’il nous arrive une tuile en route ! Même si nous ne sommes pas là pour faire du tourisme, nous observons le paysage et notons :

- du désert de sable et de rochers

- des mirages sur le bitume

- des routes bordées de détritus

- beaucoup de pneus éclatés et de carcasses de voitures démantibulées sur les bas-côtés

- des élevages de dromadaires et des tentes de Bédouins, toujours accompagnés de leur camion-citerne.

  

     Bien que Riyadh soit la capitale, l’entrée est nous surprend carrément : ce n’est qu’une succession anarchique d’élevages de dromadaires ! Quant aux habitations, elles se résument à des blocs basiques posés les uns à côté des autres. En revanche, le centre est plus urbanisé : mini gratte-ciels et nombreux chantiers en cours. Nous y cherchons un parking d’hôtel, comme nous l’a recommandé l’Ambassade de France en Arabie. En suivant le GPS, nous nous retrouvons dans une zone résidentielle… Un habitant nous informe qu’il n’y a pas d’hôtel dans le coin mais qu’il ne vaut mieux pas bivouaquer ici, car la police ne patrouille pas dans ce quartier… Il nous guide jusqu’au parking d’un énorme mall, en plein centre, qui est gardé. Inès et Sabine se voilent et vont faire quelques emplettes pour remplir le frigo, puis tout le monde se couche tôt : demain, réveil au lever du jour, vers 5h30 (nous avons perdu une heure).


  
Entre Riyadh et Tayma (nord-ouest), les paysages changent un peu :
  1. -champs circulaires irrigués par d’immenses rampes d’arrosage

  2. -oasis par-ci, par-là

  3. -montagnes ocre rouge

  4. -toujours des camps de Bédouins, mais la tente en poil de chèvre est souvent remplacée par des roulottes montées sur remorque…prêtes à bouger !

  5. -profondes ornières sur la voie de droite de l’autoroute : une fois dans les rails, impossible d’en sortir !

    Au vu des traces laissées sur le goudron, on craint même de racler son carter…

- beaucoup de Saoudiens conduisent comme des zinzins : ils doublent par la droite notamment, ou se croient seuls au monde sur la route et prennent tout le lit… Heureusement que l’Ambassade de France nous a établi un itinéraire tenant compte de ces comportements à risque: elle nous a fait emprunter quasiment que des 2x2 voies séparées par des rambardes de sécurité.


    Tayma est située à la limite d’un territoire assez conservateur (au niveau de l’Islam) et donc peu tournée vers l’accueil de l’occidental, surtout s’il n’est pas musulman. Du coup, nous optons, comme on nous l’a conseillé, pour une nuit à l’hôtel, si
courte soit elle. Nous atterrissons, de nuit, après treize heures de route, dans un établissement plutôt simple, mais dont la critique est bonne dans notre guide (qui date de 2007 …) N’ayant pas l’intention de courir la ville à la recherche de la meilleure chambre, nous décidons de prendre le petit appartement de deux chambres, salle d’eau, kitchenette disponible ici… Bon. En gros, les draps sont sales (même si l’hôtelier a affirmé à Thierry qu’il les avait changés le matin même…), il fait froid, les sanitaires sont d’une propreté douteuse eux aussi et la rue est très bruyante (fenêtres en simple vitrage et pas vraiment jointives…). Qu’à cela ne tienne, nous installons nos «sacs à viande» sur les matelas, tournons le ventilateur chauffant à fond et prions pour que la nuit passe vite ! Heureusement, les enfants sont bien lotis : leur chambre se réchauffe rapidement et ils sombrent dans les bras de Morphée en un clin d’œil. Quant à nous, les parents (et surtout Thierry, l’unique conducteur), nous luttons contre le froid une bonne partie de la nuit et sommes soulagés lorsque le réveil sonne à 5h30 ! Transfert d’enfants dans leurs lits douillets du camion, la maman se recouche
aussi  (puisqu’elle n’est d’aucune utilité) et le papa reprend courageusement le volant pour les 300 kilomètres restants. Ce qu’il y a de chouette dans ce trajet, diront les enfants, c’est que l’on n’a pas besoin d’insister pour pouvoir regarder un DVD, et long en plus ! Inès, Martin et Amélie se régalent donc devant les bêtises du « Petit Nicolas »…
    La sortie du territoire arabe au poste-frontière de Halat Ammar se fait en quelques minutes, et l’entrée en Jordanie prend une bonne heure et demie, mais peu importe : le plus dur est derrière nous ! Finalement, tout s’est bien passé (notre bonne étoile, une fois encore, a veillé sur nous) : les quelques saoudiens que nous avons croisés étaient bien sympas, les paysages plutôt
chouettes malgré les détritus un peu partout, le plein de gasoil ne coûtait que 4 euros (soit 0,05 euros le litre !) et la frontière pas si stressante à passer.

    Du côté jordanien, on prend son temps… Sabine négocie une assurance pour le camping-car dont nous n’avons absolument pas besoin, mais qui est obligatoire, puis il faut trouver des dinars jordaniens, mais il n’y a pas de distributeur… Seule solution : le «duty free shop», qui fait office de banque ! Puisque c’est ça, au passage, Thierry aura une bière bien fraîche, sortie des immenses frigos achalandés en alcool divers et variés, à quelques mètres seulement de l’Arabie si prohibitive…



 
  L’arrivée en Jordanie

    Le soleil est de la partie, il fait doux : à nous la Jordanie ! Le long de la route qui mène à Ma’an, des bidons multicolores sont disposés à côté de tentes en toile : il y a là un drôle de commerce de carburant…. Sont-ce les Saoudiens qui viennent vendre l’essence de leur pays qu’ils paient un prix dérisoire, où des Jordaniens qui revendent le surplus de carburant qu’ils ont dans leur réservoir en revenant d’Arabie, histoire d’arrondir les fins de mois ? En tout cas, cela saute aux yeux : le train de vie ici est bien plus modeste que dans la péninsule arabique. Les routes sont à peu près bonnes mais les accotements pas vraiment stabilisés, l’habitat se résume soit à des tentes de Bédouins, soit à des maisons à un étage très basiques et les 4x4 et berlines flambant neufs des Emiratis et autres Omanais ont laissé la place aux « petites » voitures que l’on voit en Europe, qui ont déjà des kilomètres et dont la carrosserie n’est pas toujours intacte…

 
 

    La première ville que nous traversons est Ma’an : circulation anarchique, échoppes qui se succèdent le long des trottoirs (qu’elles envahissent, d’ailleurs), marchands de légumes tous les cinquante mètres… et femmes dans les rues ! Certes, elles sont voilées, mais on les voit ! Elles sortent de chez elle et ont une vie sociale autre que celle qui les cloue à domicile pour les tâches ménagères et l’éducation des enfants ! Les enfants font aussi partie du paysage, ils sont souriants et nous accueillent à grands coups de « Hello ! Salam Aleïkoum ! Where are you from ? », de même que les adultes qui sont très avenants. Nous retrouvons avec plaisir nos boulangeries de pain arabe, cuit sur le champ dans les grands fours à bois, pour 0,25 dinar le kilo, et tellement bon. Par contre, impossible de dénicher du lait demi-écrémé…

Des habitants nous indiquent un parking situé en face d’un poste de police et qui dessert un petit office de tourisme et une administration ; là, nous serons à l’abri des éventuels « Ali Baba » (comprendre : les voleurs) ! Nous discutons un moment avec deux des gardiens du bâtiment administratif, puis nous installons, sereins, pour notre bivouac de la nuit. Seul bémol à tout ce bon déroulement : il fait frisquette…


  
Le lendemain, nous faisons le plein de brochures touristiques très bien présentées et filons en direction d’Al-Humaymah. Avant d’emprunter la piste qui mène à ce site, nous embarquons trois militaires qui font du stop et se rendent à leur caserne, quelques kilomètres plus loin encore. Ils sont très sympas et ont beaucoup d’humour, ce qui ne gâche rien. Personne au Visitor’s Center tout  neuf … Nous partons à la découverte des citernes creusées par les Nabatéens* à l’intérieur même des montagnes, et arpentons les ruines où se cachent des restes d’église, de thermes et d’habitations. Nous crapahutons dans la montagne et apercevons au loin un berger qui rentre son troupeau de chèvres et de moutons, juché sur son âne. Les rochers sont usés par
l’érosion qui a dessiné plein de formes et de découpages rigolos dans le grès.
Ibrahim, le gardien du Visitor’s Center, vient à notre rencontre : il habite avec sa famille (plus de vingt personnes !) dans la tente que nous apercevons à quelques centaines de mètres. Nous le retrouvons le lendemain et il nous aide à faire le plein d’eau du camion, en branchant directement notre tuyau dans sa citerne, sur le toit du bâtiment ! Nous en profitons pour rincer notre lessive (l’eau est ge-lée !) puis partageons le thé bien chaud qu’il nous a préparé avec son « collègue » ‘Aid. Pendant ce temps, Inès, Martin et Amélie jouent dans les cabanes qu’ils se sont
improvisées dans les recoins du  muret du Centre. Ils plantent chacun une graine (récoltée dans l’oasis de Liwa) en espérant qu’un arbre poussera ici un jour…

* nom des anciens habitants de Jordanie

 

19 Arabie Saoudite

          & entrée en Jordanie